C’est ainsi que notre pays a depuis des générations
accueilli, avec plus ou moins de fortune, des populations en marge. Les Juifs
eux-mêmes ont été en leur temps accueillis avec bienveillance, même s’ils ne
goûteront véritablement à la citoyenneté française qu’après la révolution. La
communauté juive, quoique cultivant sa singularité culturelle et religieuse,
est souvent présentée en modèle d’intégration, voire même d’assimilation, et
forge aujourd’hui l’identité française
au même titre que toutes les composantes de la communauté nationale.
Voilà donc que l’AFP (Agence France Presse), le 9 octobre
dernier, a cru nécessaire de formuler les choses de la façon suivante :
« la France héberge entre
350 000 et 500 000 juifs, selon les estimations ». Je ne polémiquerai pas sur les estimations erronées qui de toutes les
manières sont impertinentes, dès lors que tout sondage sur la base de la race
ou de la religion est interdit dans notre pays depuis un décret d’août 1944. C’est plutôt
l’idée que la France « héberge » des Juifs qui doit surprendre, pour
ne pas dire plus… Merci à Guy Konopnicki du magazine Marianne d’avoir fait
remarquer à l’AFP son « erreur » - corrigée le lendemain. Il est
clair que l’idée qu’une nation « héberge » une population,
sous-entend bien des choses et notamment que cette dernière lui est étrangère,
ce qui n’est bien évidemment pas le cas des Juifs qui sont considérés comme des
individus intégrés.
Anecdotique cette histoire ?... Peut-être. Ou peut-être
faudrait-il finalement mettre tout cela sur le compte d’une erreur sémantique de la part d’un
journaliste trop pressé ou trop zélé ?...
Mais comment donc un « esprit » bien éduqué a-t-il
pu imaginer un seul instant que la communauté juive puisse être hébergée en France ?... L’erreur aurait-elle pu être commise
s’agissant des Alsaciens ou des Bretons ?... Certes non. D’où vient donc
que l’on prête aux Juifs de ne pas faire tout
à fait partie de la communauté nationale ?... On se le demande.
Mais d’erreur en erreur, de plus en plus de Juifs
s’interrogent sur la pertinence à rester encore en France. L’insécurité y est
grandissante pour les Juifs et, de l’avis de tous, cela ne va pas aller en
s’améliorant. Se promener avec une kippa
sur la tête ou, tout simplement, avoir une bonhomie trop typée, devient une
entreprise à risque élevé.
Beaucoup a déjà été écrit sur le sujet et la plupart
des Juifs sont probablement partagés entre deux options : La première, celle
d’une capitulation face à la pression ambiante et l’impossibilité de vivre en définitive
comme tous les autres citoyens français. A terme, cela signifie faire ses
valises et quitter « l’hébergement temporaire » que la France nous
avait apporté. La seconde, sans doute plus téméraire, vise à relever le défi en
montrant que nous avons pleinement notre place au sein de la communauté
nationale, gommant les erreurs que
trop insupportables dont nous sommes l’objet.
L’une comme l’autre risquent fort de renforcer le dilemme qui
se présente à chaque Juif. Le renforcement de son identité ou son assimilation
totale. Existe-t-il une autre option?... Et pour combien de temps ?...
J’aime à penser que la place du peuple d’Israël parmi les
nations n’est que pour un temps, comme l’évoque le prophète
Ezéchiel (39.22 à 39) :
La maison
d’Israël reconnaîtra que je suis l’Éternel, son Dieu, Dès ce jour et à
l’avenir. Les nations reconnaîtront que c’est à cause de ses fautes Que la
maison d’Israël a été déportée, A cause de ses infidélités envers moi ;
Aussi leur ai–je caché ma face, Et je les ai livrés entre les mains de leurs
adversaires Afin qu’ils tombent tous par l’épée. Je les ai traités selon leurs
souillures et leurs crimes, Et je leur ai caché ma face. Eh bien ! Ainsi
parle le Seigneur, l’Éternel : Maintenant
je ramènerai les captifs de Jacob, J’aurai pitié de toute la maison d’Israël Et
je serai jaloux de mon saint nom. Alors ils oublieront leur opprobre Et toutes
les infidélités qu’ils ont commises envers moi. Ils habiteront en sécurité sur
leur territoire, Sans que personne ne les trouble. Quand je les ramènerai
d’entre les peuples, Quand je les rassemblerai des pays de leurs ennemis,
Je serai sanctifié par eux Aux yeux de beaucoup de nations. On reconnaîtra que je suis l’Éternel, leur
Dieu, Qui les avait déportés chez les nations Et qui les réunit sur leur
territoire ; Je ne laisserai là–bas aucun d’entre eux. Et je ne leur
cacherai plus ma face, Car je répandrai mon Esprit sur la maison
d’Israël, –– Oracle du Seigneur, l’Éternel.
Le contexte est celui des temps de la fin, mais je pense
qu’en dépit des apparences, Dieu reste au contrôle de la situation et qu’il ne
laissera pas un seul de ses enfants en arrière.
On peut s’inquiéter de perdre beaucoup ici-bas, mais
qu’est-ce donc en comparaison de ce que le Seigneur nous prépare ?... A
l’instar d’Abraham, nous ne sommes jamais que des résidents temporaires sur
cette terre.
Finalement,
cela me « plaît bien » d’être considéré comme un
« hébergé » temporaire… Il faudra bien faire ses valises un jour et
je n’aime pas porter trop lourd.