La dernière attaque en date d’un professeur juif se rendant
à son établissement par un jeune de 15 ans et muni d’une machette a
suscité l’indignation certes, mais surtout une polémique étrange autour du fait
que la « cible » ait été identifiée par sa kippa sur la tête.
Fort heureusement, cette agression ne s’est pas terminée
aussi tragiquement qu’on aurait pu l’imaginer, quand on considère la longueur
de la lame de cette arme. Ironiquement et peut-être aussi symboliquement,
l’homme s’est défendu au moyen du gros volume de la Torah qu’il tenait en main.
Ce qui a particulièrement choqué et surpris l’opinion et les
autorités judiciaires, c’est la jeunesse de l’agresseur (à peine 15 ans), sa
détermination à tuer et sa « honte » de n’avoir pas réussi à décapiter le
professeur juif qu’il visait. Hélas, les agressions de ce type sont devenues
presque banales (la troisième du genre en trois mois rien qu’à Marseille). Le
plus inquiétant encore est l’absence d’éléments et/ou d’antécédents permettant
d’identifier clairement d’autres terroristes potentiels et prévenir d’autres
attaques. À ce stade, il est clair qu’il y en aura d’autres qui ne se
termineront pas toujours aussi « bien ».
Dans ce contexte est née une polémique venant d’une autorité
religieuse juive de Marseille recommandant de ne pas porter (au moins pendant
un temps) de kippa en public. Alors bien sûr, on peut comprendre les craintes
et le souhait légitime de ne plus servir de « cible » trop facilement
identifiable dans les rues de la ville. Mais est-ce vraiment LA solution au
problème ? N’y a-t-il pas dans cette louable intention un piège dans lequel ce
rabbin est « tombé » sans s’en rendre compte ?
L’affaire de la kippa pose en réalité une grande question de
fond et traduit le malaise de la communauté juive de France placée à la croisée
des chemins.
Pour ceux qui ont choisi de quitter le pays et faire leur « alya »
vers Israël, la réponse est claire. L’affirmation de leur identité, en tant que
Juif, n’est plus possible en France dans les conditions actuelles sans crainte
pour leur sécurité. Vivre sa foi et son identité comme Juif est devenu une
entreprise dangereuse et, en dépit de l’attachement et des liens forts qui les
relient à la communauté nationale, ils préfèrent faire le choix de rejoindre
Israël. Non que les Juifs y soient en parfaite sécurité, mais au moins, ils y
sont compris dans leurs préoccupations quotidiennes avec plus d’acuité.
Le port ou non de la kippa dans l’espace public n’est bien
évidemment pas qu’une question d’ordre religieux ou de « visibilité » de son
identité devant tous. L’enjeu est d’une autre nature. La laïcité et la liberté
que nous accordent nos institutions permettent normalement aux Juifs de porter
une kippa dans les rues où que ce soit. Devoir s’en priver, quelle qu’en soit
la raison, est, à dire la vérité, un recul de nos libertés et une atteinte
grave aux fondements de la République.
L’affaire, au-delà du « bruit » médiatique qu’elle a suscité,
a surtout révélé la fracture existante dans le pays entre ceux qui se refusent
à la « soumission » au diktat des terroristes islamiques et ceux qui en
profitent pour stigmatiser un peu plus une communauté de plus en plus
marginalisée. C’est ainsi que R. Brauman (ancien président de MSF) a semblé
établir un lien bien étrange entre le port de la kippa et une prétendue
allégeance à la politique de l’État d’Israël. Peut-on imaginer plus stupide
proposition ? Sinon sous l’inspiration de pensées nauséabondes qui en disent long
sur le cœur de ceux qui profèrent de telles insanités.
Fort heureusement, l’identité juive ne se résume pas au seul
port de la kippa, mais il apparaît insupportable aux Juifs que des
circonstances dramatiques ou des individus viennent « dessiner » pour eux ce
que le Juif est ou n’est pas au travers de ses signes « visibles ». Il est une
époque pas si lointaine où l’on a imposé aux Juifs un signe « distinctif » — l’étoile
jaune — pour qu’il soit possible d’identifier sans se tromper un Juif, quel
qu’il soit.
Et dans ces années-là, ceux affublés d’une étoile jaune sur
la poitrine ne portaient pas tous de kippa. Ils n’étaient pas « plus » ou « moins »
juifs que ceux qui en portaient. Et tous ont été finalement déportés. Or, c’est
aux seuls Juifs de définir ce qui les identifie, sans laisser à d’autres, par
ignorance ou par haine, le choix de les stigmatiser.
Aujourd’hui, un Juif qui porte ou qui ne porte pas de kippa
est toujours un Juif. En France, il doit pouvoir afficher sans crainte et sans
honte sa judéité, avec ou sans kippa.
Reculer sur cette question, c’est faire le premier pas vers une
soumission, telle qu’elle existe pour les dhimmis[1]
en terre d’islam.
Que chacun donc porte sa kippa comme il l’entend et se
défende, à l’instar de ce professeur, avec la puissance de la Torah. En
définitive, plus que cet enseignant, c’est peut-être bien elle qui a finalement
été visée et « blessée ». Plus encore que la kippa, c’est bien la Torah que je
« montrerai » dans la rue, par ma vie et par mes actions.
[1] Il
s’agit du statut des non musulmans en terre d’islam (essentiellement les
chrétiens et les Juifs). Cette soumission à l’islam comporte de nombreuses
mesures discriminatoires, d’injustices et d’humiliation.
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