Sur le fond, la résurgence, en
fait la latence de la question identitaire ressort fréquemment dans le débat
qui oppose Juifs et Chrétiens autour de la personne du Messie Yéchoua’ et de
l’identité de ses disciples. La tradition chrétienne, mais aussi, en miroir de
celle-ci, le judaïsme, ont depuis longtemps formaté les esprits pour dresser un
« mur » infranchissable entre le monde juif et l’univers de la
chrétienté. Pour beaucoup, ces deux « sphères » sont aussi inconciliables
que l’huile n’est soluble dans de l’eau. En réalité, le « pont »
existe bien, mais le plus souvent, l’emprunter implique de ne rien pouvoir
emporter et même de tout abandonner. Le Juif qui embrasse la foi chrétienne
n’est plus juif et doit en conséquence quitter tout ce qui a trait à son
« ancienne » identité.
Pour un christianisme qui plonge
pourtant ses racines dans le judaïsme et qui partage même une large partie de
ses Ecritures, c’est plutôt surprenant.
En réalité se dissimule derrière ce « mur » de séparation une
conception théologique – la théologie dite du « remplacement » - qui
soutient que l’Eglise est en quelque sorte le nouveau peuple de Dieu
bénéficiant des promesses et se substituant ainsi au peuple d’Israël dans le
projet divin. Dans cette perspective, ce qui relève de l’identité du peuple
juif avant les évènements de la Pentecôte (Actes 2 marque pour la plupart des
théologiens le début « officiel » de l’Eglise) fait partie à présent
de l’histoire. Ce qui advient par la suite, toujours au milieu du peuple juif,
ne s’inscrit plus dans une légitimité prophétique, voire s’oppose même à la
nouvelle légitimité représentée par l’Eglise au sens spirituel et universel.
C’est ainsi que pour bien des
Chrétiens et pour bien des Juifs, l’expression même « Juif
messianique » relève d’un paradoxe, une « anomalie spirituelle »
qui dépasse la lecture de leur propre foi. Ou l’on est juif et l’expression de
sa piété épouse la pratique des Juifs et une foi (ou même une absence de foi)
qui rejette la messianité de Yéchoua’ (Jésus) ; ou bien l’on est chrétien
et sa foi s’inscrit dans la tradition chrétienne universelle et la proclamation
de Jésus comme Fils de Dieu. La filiation au peuple d’Israël et l’appartenance
à la communauté des croyants en Jésus apparaissent alors pour beaucoup comme
une double allégeance inacceptable, troublante, à la limite de la déloyauté. On
ne peut se réclamer de l’un et de l’autre à la fois.
Qu’il me soit permis à ce stade
de rappeler que le Juif messianique est solidaire du peuple d’Israël et le plus
souvent fortement attaché à sa communauté par ses institutions ou encore sa
famille. Il cultive aussi, à l’instar de la communauté juive, un rapport étroit
avec la nation et l’Etat d’Israël. Ceci étant, il est naturellement lié également
à la communauté de l’Eglise et nourrit une fraternité avec les chrétiens. Le
plus souvent il fréquentera une assemblée chrétienne ou une assemblée
messianique. Cette double « appartenance » n’est pas contre nature,
bien au contraire.
Le malaise ne viendrait-il pas au
contraire de ce refus implicite, presque subliminal, chez les uns de reconnaitre les racines juives de la foi en
Yéchoua’ le Messie, du refus d’accepter le choix irrévocable de Dieu sur le
peuple d’Israël, du refus de prendre sa propre place et de jouer son rôle de
témoin auprès d’Israël… mais aussi chez les autres, du refus de reconnaitre
qu’il n’y a pas de chemin plus naturel pour un Juif que d’embrasser la foi des
prophètes et d’accepter le Messie juif Yéchoua’ comme son Sauveur et Seigneur, du
refus d’accepter que Dieu veut aussi inclure pour les sauver les non-Juifs du
monde entier et former avec eux un peuple qui l’honore et le glorifie ?...
L’heure n’est plus à se disputer
pour savoir si un tel ou une tel est « plus » juif,
« trop » juif ou « pas assez », ce en vertu de la manière
visible dont il pratique sa foi. Cela constitue un débat stérile et sans réel
objet. Viendra le temps où nous comparaitrons tous devant le tribunal de Dieu
et la seule question qui prévaudra sera : Quelle considération avons-nous
eu pour la mort et le sang du Messie versé pour le salut de l’humanité ?
La cacherout, l’observation des
fêtes, du shabbat et de bien d’autres choses sont avant tout une question de
conviction personnelle qui invite au respect mutuel et à une liberté que
conditionne l’amour du prochain.
Les discussions autour du
« trop » ou du « pas assez » ne sont que les manifestations
d’une immaturité spirituelle, d’un manque d’amour pour l’autre. Cependant, en
prendre conscience, c’est déjà commencer à emprunter le chemin de l’amour
véritable, de la réconciliation entre Juifs et non Juifs et avec le Dieu
créateur. Et le « dére’h »
(chemin) porte un nom : Yéchoua’ Hamachia’h (Jésus le Messie).
G.A.
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