jeudi 17 juillet 2014

Ne vous en faites pas, ce n’est qu’un “pogrom” de plus en France !

Par Olivier MELNICK.
Traduction et adaptation par Guy ATHIA.

Dimanche dernier, si vous étiez à Paris, vous regardiez peut-être la finale de la Coupe du Monde de football, le Tour de France ou, plus simplement, vous profitiez à fond de ce long pont du 14 Juillet pour vous délasser des tracas de ce début d’été. À moins bien-sûr que vous marchiez en direction de la "Place de la Bastille", foulant le pavé avec les 10 à 20.000 manifestants pro-Hamas.
Évidemment, ce n’est pas la première fois que les partisans propalestiniens et pro-Hamas empruntent les rues de Paris pour crier leur haine d’Israël et des Juifs, mais aussi effrayant que cela paraisse, ce type de manifestation est relativement courant. Cette fois, c’était pour protester contre la guerre à Gaza et le soi-disant « massacre » des Palestiniens par une armée israélienne « assoiffée de sang ». Bien entendu, pour les manifestants, tous les Juifs de France partagent la même responsabilité, au moins par procuration.

Ceci étant, pour plusieurs raisons,  la manifestation de dimanche dernier était différente des autres. Tout d’abord par son ampleur, c’était la première fois qu’une foule aussi nombreuse était rassemblée. 10.000 à 20.000 personnes ne passent pas inaperçues dans les rues de Paris, d’autant qu’on pouvait entendre crier : « Mort aux Juifs » ; « N*#@ les Juifs », « Hitler avait raison », « Nous allons vous brûler » ou « Jihad , Jihad, Jihad ». Lorsque certains des manifestants ont appelé à la prière, plusieurs milliers ont commencé à crier « Allahou Akbar ». Il n’était alors plus possible d’émettre des doutes sur l’origine ethnique et religieuse de la foule en colère. La liberté d’expression, de religion ou de conscience sont naturellement en vigueur en France, toutefois, la nature des slogans qui ne souffrent d’aucune ambiguïté, font poser bien des questions, à moi-même comme à beaucoup d’autres. En France, la cause palestinienne a toujours été bien reçue, par un grand nombre d’intellectuels, de journalistes et de politiques et même par une large opinion publique. Aujourd’hui toutefois, cette même cause s’affiche comme l’alibi d’un antisémitisme assumé.

Dimanche dernier, les commerçants, les restaurateurs et la plupart des passants ont été stupéfaits et sont restés bouche bée en voyant défiler le cortège de la haine anti-juive dans les rues de Paris. Étaient-ils en état de choc ou simplement lâches, incapables de réagir comme dans les années 30 et 40 ? Sans doute un peu des deux, mais je crains que le « virus du lâche » ait à nouveau infecté la France. Que faire lorsqu’on est seulement quelques-uns face à une foule entière? C’est sans doute la question que se sont posés tous ceux qui restèrent cachés derrière leurs volets quand la Gestapo vint prendre mon grand-père maternel à son domicile à Paris pour le mettre dans un wagon à bestiaux à destination d’Auschwitz.

Lors de ces manifestations haineuses, les Juifs restent généralement à l’écart du danger, le plus souvent dans leurs foyers, la meilleure chose à faire pour des Juifs très inquiets. Cependant, dimanche dernier, un groupe de manifestants s’est volontairement dirigé vers la synagogue de la rue de la Roquette où 200 personnes étaient réunies pour rendre hommage aux trois jeunes israéliens kidnappés et assassinés il y a quelques semaines.

Soudainement, les manifestants en colère ont décidé de jeter les chaises d’une terrasse de café (certaines d’entre elles étaient en feu) sur le bâtiment de la synagogue, tout en continuant à crier « Mort aux Juifs! ». Les 7 policiers présents se sont vite retrouvés démunis face à l’ampleur de la situation. Se joignant au service de protection de la communauté juive, ils ont tenu ferme jusqu’à l’arrivée en renfort des CRS, 10 minutes plus tard. Sans leur intervention, toute cette affaire aurait pu se terminer en un bain de sang. Seules trois personnes juives ont été blessées, ainsi que quatre membres de la police.
La dernière fois que des Juifs ont été ainsi poursuivis pour être menés à la mort, c’était durant l’occupation nazie, avec le soutien actif des miliciens du gouvernement de Vichy. On peut regretter le manque de prévoyance des responsables de la police qui n’ont pas su réagir à temps et avec les moyens adéquats. Cependant, c’est surtout l’unanimité des médias pour minimiser les faits qui est inquiétante. Le manque de réaction vigoureuse et lucide des dirigeants politiques laisse augurer le pire. Cela me fait penser à l’époque des pogroms de Russie, de la passivité des autorités et de la participation active de certaines milices.

Il y a seulement quelques générations, ma grand-mère, Rachel Schimkowitz, échappait à ces massacres et venait s’installer en France. Les pogroms étaient alors des émeutes organisées par les autorités contre les Juifs. La plupart eurent lieu en Russie au cours de la seconde moitié du 19e siècle et jusqu’au début du 20e siècle. Ils causèrent la mort de milliers de Juifs et poussèrent à l’exil des milliers d’autres vers l’Amérique et Eretz Yisraël.

Il est possible de voir dans les évènements de dimanche dernier la tentative de certaines personnes d’organiser de nouveaux pogroms en France, suivant ainsi le modèle russe d’il y a 150 ans. La réaction « disproportionnée » des autorités et la complicité, au moins par omission, des médias inquiètent la communauté française et les Juifs en particulier, les premiers visés par cette violence. La « concurrence » de la Coupe du monde de football ou le Tour de France n’expliquent pas tout et les médias ont depuis longtemps une lourde responsabilité dans la dissémination de la haine anti-juive dans notre pays. Le Président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls ont certes dénoncé la violence, mais ils se refusent toujours à identifier ouvertement sa nature et à prendre les mesures qui s’imposent. Les Français qui sont juifs ont parfaitement compris où était leur avenir et ils sont maintenant de plus en plus nombreux à choisir la « sécurité » plus effective d’Israël, même au milieu des roquettes.

Alors que la fête nationale est derrière nous, que la fièvre du football est tombée et que le Tour de France est loin de Paris, il convient de se poser froidement la question: que se serait-il passé si la foule avait réussi à franchir le seuil de la synagogue pour atteindre les Juifs réunis ? Il est inutile de se voiler la face, nous connaissons la réponse.
Par la grâce de Dieu, un pogrom a été évité dimanche dernier. Les antisémites ne se satisfont plus des mots, insultes et menaces en tout genre. L’atteinte aux biens des Juifs n’est qu’une étape pour eux. Ils sont à présent déterminés à s’en prendre aux individus juifs eux-mêmes. Les Juifs de France sont comme entre les deux mâchoires d’un étau de haine, d’une part celle de l’extrême droite dont Lepen est l’une des figures emblématiques, de l’autre, celle d’une frange importante et virulente de la communauté musulmane.
Le plus affligeant pour moi est que les mâchoires de l’étau se rapprochent inexorablement sous l’effet de l’indifférence de la plupart des Français. Et cette indifférence ne fait que faciliter l’activité des criminels.
Dimanche dernier, à Paris, un « premier pogrom » a été évité de justesse. Si celui-ci a pu se produire de manière opportune en marge d’une manifestation, il se pourrait bien qu’à l’avenir, de futures actions soient mieux anticipées et finissent par faire de nombreuses victimes juives. Pour les Juifs de France, l’heure du retour en Israël a sans doute sonné et les signes d’une alyia massive sont déjà visibles depuis quelques années. Ce que nous avons vu dimanche dernier va finir d’effacer les doutes qui demeuraient encore pour quelques-uns.




La route qui mène à Auschwitz fut construite par la haine, mais pavée par l’indifférence - Abraham Joshua Heschel

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