mercredi 20 septembre 2017

ROCH HACHANA 5778 - Entre joie et recueillement

La fête de Roch Hachana correspond dans le calendrier biblique à la fête de Téroua’h, appelée aussi la fête des Trompettes, ou encore célébration de la « sonnerie », allusion au son produit par le souffle dans le Choffar, la corne de bélier.



Bien entendu, la fête revient chaque année à même époque comme un anniversaire. Mais à quoi donc sert cet anniversaire célébré depuis plus de 3500 ans ?... Sans doute n’est-il pas inutile de rappeler qu’en dépit de la signification de Roch Hachana — la tête de l’année — le mois de Tichri qui débute en même temps que cette fête est en réalité le 7ième mois. Dans le calendrier hébraïque et biblique, le premier mois est celui de Pessa ‘h, le mois de Nissan. Or il est intéressant de noter que la tradition juive fixe la naissance d’Isaac au premier jour de Pessa’h.
Qu’en conclure sinon qu’il y a assurément un rapport étroit entre la fête de Pessa’h, qui marque la libération du peuple d’Israël de l’esclavage, et le personnage d’Isaac, fils d’Abraham.
La tradition, lors de Roch Hachana, nous invite à relire ce récit unique, hors du commun de l'Akédah d'Isaac (Genèse 22). Quoiqu’il existe de nombreux commentaires sur ce texte au demeurant très sobre — pas plus de 19 versets qui ne s’encombrent pas de détails inutiles ni de rapport sur les sentiments des uns ou des autres — il ressort, de l’avis de nombreux rabbins, que cette incroyable épreuve à laquelle sont soumis Abraham et Isaac est une préfiguration de Pessa’h et de la mort des premiers-nés.
L’Akédah, de même que le drame qui marque le départ d’Israël de l’Égypte, témoigne de la souffrance et de la mort nécessaires pour affranchir l’homme de ses péchés. Étonnant ? Choquant ? Sans aucun doute. Ne pouvait-il pas en être autrement ? Que le pardon des péchés passe sans épreuve, sans le sang ou la souffrance d’un innocent ?...

À Pessa’h déjà, la joie du Salut est ternie par la peine causée par la mort de l’agneau. Non que l’on pleure beaucoup pour la mort de l’animal en lui-même, mais il ne fait aucun doute que l’expérience est prophétique et que le sang versé et répandu sur les linteaux des portes signifie que le pardon et l’affranchissement des israélites passent par la mort du Machia’h innocent. Quoi ? Dieu se satisferait-il du sang d’un agneau ? Ou même en l’occurrence de plusieurs ? Pessa’h ne serait-il qu’un événement historique ? Ou a-t-il aussi un caractère prophétique ?

Roch Hachana, la fête de Téroua’h, est un rappel de tout cela. En réalité, l’événement premier de Pessa’h et du sacrifice prophétique de l’agneau est rappelé lors de toutes les fêtes, du Chabbat comme de toutes les autres et donc de Yom Téroua’h. L’Akédah est relue comme une invitation à considérer ce que fut l’expérience douloureuse du patriarche et de son fils, modèle prophétique de ce que sera la marche du Messie vers la souffrance et la mort.
Cependant, que serait cette profonde méditation de la Torah sans l’examen de conscience de chaque israélite, et même de chaque être humain, placé devant son créateur ? C’est ainsi que débute les 10 jours à venir jusqu’à Kippour, jour redouté où est espéré la clémence divine en faveur de ses créatures coupables devant lui.
Curieusement, la réponse ne se trouve pas délivrée le 10, mais le premier du mois.
En effet, le récit de l’Akédah, comme sa perspective prophétique confirmée à Pessa’h et même son accomplissement en la mort du Machia’h, ne laisse pas le patriarche, et le lecteur de la Torah sans espérance. Un bélier a été offert en lieu et place d’Isaac. Le fils vivra parce qu’un autre est mort à sa place. L’agneau de Pessa’h a lui été sacrifié et son sang a servi de rançon pour tous les israélites. De même, le sang versé du Machia’h sert à l’expiation des fautes de toute l’humanité, conformément à ce que déclare le prophète Isaïe au chapitre 53 :
4  En fait, ce sont nos souffrances qu’il a portées,
c’est de nos douleurs qu’il s’était chargé ;
et nous, nous le pensions atteint d’un fléau,
frappé par Dieu et affligé.
5  Or il était transpercé à cause de nos transgressions,
écrasé à cause de nos fautes ;
la correction qui nous vaut la paix est tombée sur lui,
et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris.
6  Nous étions tous errants comme du petit bétail,
chacun suivait sa propre voie ;
et le Seigneur a fait venir sur lui notre faute à tous.

Certains commentateurs estiment que le « personnage » dont il serait question dans le texte du prophète est Israël lui-même, voire Moïse ou quelque autre personnage. Bien des rabbins reconnaissent toutefois le lien de ce passage avec le Messie.

Le souffle dans le choffar n’est autre que l’appel du Seigneur à être à l’écoute de ce qu’il nous annonce par la bouche des prophètes. Le Roua’h Hakodech nous annonce le Salut d’Israël et de tous ceux qui s’approchent de Lui. À Kippour, le message n’est pas la condamnation, mais la déclaration divine que justice a été faite. Le sang de l’agneau — en la personne du Machia’h Yéchoua’ — a été versé pour expier nos fautes. Mais, comme le déclare David, il n’a pas connu la corruption (psaume 16) et les liens du séjour des morts n’ont pu le retenir. Il est donc revenu à la vie et il est vivant aujourd’hui.

Le son du Choffar le rappelle. Il n’est produit que par le souffle, c’est-à-dire le Roua’h Hakodech. Que personne n’y reste insensible et que du milieu de son recueillement, il goûte à la joie du Salut.