jeudi 13 avril 2017

Le michal (parabole) de Pessa'h

Un semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin : les oiseaux vinrent, et la mangèrent. Une autre partie tomba dans les endroits pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre : elle leva aussitôt, parce qu’elle ne trouva pas un sol profond ; mais, quand le soleil parut, elle fut brûlée et sécha, faute de racines. Une autre partie tomba parmi les épines : les épines montèrent, et l’étouffèrent. Une autre partie tomba dans la bonne terre : elle donna du fruit, un grain cent, un autre soixante, un autre trente. Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.
Matthieu 13.4 et suivants.

Nous connaissons peut-être assez bien cette parabole de Yéchoua’ qui traduit les différentes façons d’accueillir la parole de Dieu pour être sauvé.
En hébreu, ce genre de récit s’appelle un michal. Un peu différent du midrash, nous retrouvons étrangement une parabole assez semblable dans la haggada de Pessa’h.
En effet, les rabbins nous parlent de 4 fils aux attitudes plutôt dissonantes au regard de la fête de Pessa’h.



Le premier est le fils sage (Haham) qui cherche à comprendre le sens de la fête et il pose la question : que signifient les lois, les préceptes et les ordonnances que l’Éternel notre Dieu vous a prescrits ? (Deutéronome 6.20)
C’est ainsi qu’il cherche à comprendre le sens fondamental des choses qu’il aperçoit sur la table et les divers rituels que nous accomplissons.
Ainsi sommes-nous conviés à l’instruire sur la Pâque que nous vivons. Il sera invité à lui-même « sortir » du pays d’Égypte où il est « esclave » pour trouver le chemin de la liberté dans le Messie.

Le second fils est pervers (Rasha). Il pose la question suivante : quelle signification a pour vous cette cérémonie ? (Exode 12.26)
Ce fils-là ne fait pas honneur à la table à laquelle il est convié. En posant ainsi sa question, il s’exclut de la démarche de sa propre famille et ne cherche pas à faire le premier pas vers la liberté et l’affranchissement de son péché. Et pourtant, le message de Pessa’h s’adresse à lui aussi.

Le troisième fils est « simple » (Tam). Il ne comprend pas toutes ces choses et il demande naïvement : qu’est-ce que ceci ?
Ainsi sommes-nous invités à rendre le message accessible à tous, même à ceux qui ont peu d’éducation, mais qui ont soif de comprendre et participer pleinement à la fête.

Le quatrième et dernier fils est celui qui, quoique présent à la table, est ignorant de tout et ne sait pas même poser la première question : (Ché éyno yodéa lich ol)
Commence alors par le début et dit : en ce jour-là, tu raconteras à ton fils et tu lui diras, c’est à cette fin que l’Éternel a agi, en ma faveur quand je sortis d’Égypte. (Exode 13.8)

En cette semaine de Pessa’h, ce qui marque les esprits, c’est bien entendu la matza que nous mangeons à chaque repas, nous abstenant de consommer tout produit contenant du ‘hametz (levure).
Mais n’est-ce pas aussi le temps favorable pour le partage avec les « fils » d’Israël du récit de la sortie d’Égypte, de l’affranchissement de l’esclavage et du péché, de l’agneau pascal, de l’afikomane et du sens de la matza « cachée » ?

Il y a quelques jours seulement, j’ai rencontré toutes sortes de « fils ». Des « sages », des « pervers », des « simples » et même de ceux qui ne savaient pas poser de question. J’ai pris patiemment le temps de « raconter », « d’expliquer » et « d’instruire ». A chacun à présent de faire le premier pas vers la liberté… et préférer le goût du pain venu du ciel plutôt que la saveur immorale du péché dans le ‘hametz.

Comme pour le michal du semeur, il y a un côté frustrant et le sentiment de perdre son temps avec celles et ceux qui ne veulent rien entendre. C’est certain, on ne voudrait rencontrer que des fils « sages ». Cependant, le Seigneur est patient et l’exhortation de la Haggada n’est pas de s’attarder aux seuls fils « sages », mais de persévérer aussi avec ceux qui sont plus difficiles à convaincre : les « simples », les « pervers » et les ignorants.

Par ailleurs, celui qui sème comme celui qui instruit n’est pas maître de ce qui va suivre et des fruits qui sortiront de la terre. Que nos prières soient alors comme le cri des israélites à Souccot qui attendaient de Dieu qu’il arrose et féconde la terre avec les eaux du ciel : Hocha’ Na — sauve, nous t’en prions.

mercredi 5 avril 2017

Pessa’h, là où tout commence…

Bien entendu, Dieu n’a pas commencé à parler aux hommes à Pessa’h. En réalité, dès l’émergence de l’humanité créée, Dieu s’adresse à l’homme comme à nulle autre de ses créatures.
La rupture, qui intervient hélas que trop rapidement, ne prend pas Dieu au dépourvu et il prépare déjà le moyen de rétablir la relation perdue.
Dans le calendrier juif, il apparaît cependant que Pessa’h est la première des célébrations annuelles et celle qui, en quelque sorte, conditionne les suivantes. Or il est une évidence que l’ordre des fêtes ne doit rien au hasard et même, il énonce un déroulement prophétique qui transcende l’histoire.

Quoique la célébration de Pessa’h se soit, au fil des générations, enrichie de nombreuses traditions, l’essentiel a toujours été préservé et il convient de ne pas perdre de vue la toile de fond qui habille la fête et lui donne tout son sens. Sans elle, notre célébration demeurerait stérile et vouée à disparaître, sinon de nos pratiques, pour le moins de nos cœurs.
Du reste, notre tradition elle-même ne se contente pas de rappeler le passé, de raconter un événement ancien qui concernait des hommes et des femmes que nous ne connaissons pas ou qui nous paraîtraient aujourd’hui étrangers. La sortie d’Égypte est pour ainsi dire vécue chaque année comme s’il s’agissait d’une réalité présente.
Confortablement installés autour d’une table bien garnie et peut-être richement décorée, n’oublions pas la perspective de ce qu’ont vécu nos ancêtres. Je suis tenté d’ajouter que peut-être, pour certains d’entre nous, Juifs de diaspora, nous devrions imaginer que le repas que nous prenons ce soir de Seder pourrait aussi bien être le dernier, un prélude à une galout inattendue, à l’instar de nos ancêtres en Égypte. Avons-nous alors pensé à l’essentiel ?... À nous préparer au chemin qui nous ramène vers la terre de la promesse ?... Bien plus que cela encore, à recevoir l’affranchissement de nos âmes que Dieu a payé lui-même pour nous ?

L’enjeu de la fête dépasse l’appréciation que nous pourrions avoir d’une bonne soirée entre amis, en famille et autour de bons plats.